Des grandes idées, à la pratiques, la distance reste ce qu'on en fait

Chambre 9: jeune patient, Chambre 10: jeune maman. Nous sommes le 27 décembre et j'ai mal au coeur d'être ici, il a fallu se lever et partir sans faire de bruit ce matin. Toi, tu es en vacances, ce sont les fêtes de fin d'années, tu vois ta famille et tes amis. Et moi, j'enfile pour la énième fois ma blouse informe pour être 12h30 durant, l'infirmière de dix patients. J'ai entendu dire que je l'avais choisi, pas vraiment en réalité.  J'ai choisi d'être infirmière et j'en accepte  les obligations, ce qui rend les choses complètement différentes j'imagine.  La finalité étant la même, il est  sept heures du matin , et j'ai finalement presque honte de maroner d'être là, face à toi, cet autre moi, couché dans ce lit, seul, qui a regardé TF1 pour le réveillon de Noël.  Ça aurait pu être une journée tranquille, et pourtant, tu t'es dégradé, j'ai du te transfuser en urgence de trois poches de sang. Je finis bien l'année m'as tu dis, j'ai à peine osé te regarder dans les yeux.  Tu as le même âge que moi, tu te maries dans quelques mois et tu es couché dans ce lit, le lendemain de Noël, seul, à devoir accepter l'idée que pour vivre, il va falloir dialyser trois fois par semaine. Nous en avons passé du temps ensemble, entre les soins des 9 autres patients du secteur et ton moral et ta santé vacillante, je n'ai pas pu faire de choix , ni même de priorités, la jeune fille enceinte à la chambre en face méritait tout autant d'attention que toi en ces jours si particuliers, mais elle était accompagné par sa famille et ça faisait déjà toute la différence. 

Alors l'organisation a été différente, la porte de ta chambre toujours ouverte et les blagues pas très drôles ont fusés toute la journée.  J'ai repensé à l'école,  à mes cours, et à tous ces grands discours sur la distance professionnelle. Tu m'as dis pendant trois ans qu'il était important de garder une certaine distance , qu'il fallait se protéger, laisser le travail au travail. Et pourtant, j'ai raconté mon mariage à ce jeune homme qui préparait le sien et qui était contraint de choisir les alliances sur un magasine couché dans un lit d'hôpital, j'ai donné mon avis sur des prénoms à cette jeune femme enceinte et j'ai chanté, faux, avec cette personne âgée qui n'avait pour souvenir que la vie en rose d Édith piaf.  J'ai travaillé un 27 décembre, le réveil à été difficile, et j'ai détesté l'idée de ce métier quand il a fallu fermer doucement la porte de la maison à six heures du matin. Mais, faute d'être un super héros qui a sauvé des vies, j'ai travaillé avec mon coeur, peu importe la distance professionnelle et les grandes idées qu'on s'en fait. J'ai travaillé et j'ai continué d'apprendre la vie.